Tourisme : pourquoi les fonds d’investissement adorent les campings 

En pleine croissance et résistante aux crises, l’hôtellerie de plein air aiguise l’appétit des fonds qui multiplient les acquisitions. Le tout sur fond de consolidation à vitesse grand V.

Le lopin de terre de la propriété familiale, aménagé avec plus ou moins de soin pour que les voyageurs puissent y planter leur tente, ne constitue plus vraiment le modèle prédominant du camping. Sa professionnalisation, symbolisée par l’arrivée de l’appellation « hôtellerie de plein air » – et surtout son fort potentiel de croissance -, ont progressivement attiré l’attention des fonds d’investissement. Ces derniers se disputent désormais les parts d’un marché en pleine ébullition.

Récemment, le domaine est entré dans une autre dimension avec le rachat de Vacanceselect par European Camping Group (qui opère notamment en France sous la marque Homair). Estimée à un milliard d’euros, l’opération a mis en lumière la place des fonds d’investissement dans le secteur – l’acheteur étant contrôlé par PAI Partners, la cible appartenant à la société d’investissement Permira. Elle a également donné naissance à un géant européen sans équivalent dans le secteur, symbole de cette nouvelle ère : il y a presque vingt ans, Homair avait été le premier groupe français de camping à être accompagné par un fonds, en l’occurrence Montefiore Investment.

En 2021, c’est le groupe Sandaya, spécialisé dans les campings haut de gamme, qui avait changé de mains, passant sous le pavillon d’InfraVia Capital Partners après avoir été contrôlé par Apax Partners. Et partout, le mouvement s’étend, pour former des groupes intégrés de tailles diverses. La société d’investissement 123IM, à titre d’exemple, « investit 80 millions d’euros tous les ans dans le secteur », selon son directeur associé Marc Guittet.

Confort et rentabilité

Pourquoi un tel appétit ? « Le marché est très résilient et a vite récupéré après la période Covid. C’est le secteur qui a connu la plus forte croissance depuis 10 ans, comparé à l’hôtellerie ou aux résidences de tourisme et villages clubs », résume Louis Chupin, spécialiste du tourisme au sein du cabinet Roland Berger. Au passage, « c’est un marché très fragmenté avec une pyramide des âges qui fait que beaucoup de campings sont à vendre », souligne Alain Calmé, président d’European Camping Group.

Les plans locaux d’urbanisme (PLU) ayant pour conséquence de limiter les nouvelles implantations, cette croissance s’est essentiellement construite sur la montée en gamme des campings existants. Les mobile homes, plus confortables mais aussi plus rentables pour les exploitants, ont gagné du terrain sur les emplacements nus. Les piscines, toboggans et équipements en tous genres ont fleuri, séduisant une clientèle de plus en plus large.

« L’image du camping s’est améliorée, l’offre aussi. Désormais, on a parfois trois, voire quatre chambres dans un mobile-home. Le tout sur des sites exceptionnels. Il y a un transfert des résidences de tourisme vers les campings », illustre Pierre Dupuy-Chaignaud, également directeur associé chez 123IM.

Grandir pour survivre

Le modèle est désormais éprouvé. Un camping 2 ou 3 étoiles, la plupart du temps indépendant, est racheté, pour être rénové et « premiumisé ». « C’est un fonctionnement qui correspond bien aux fonds, avec un retour sur investissement assez court, de l’ordre de quatre ou cinq ans maximum », assure Louis Chupin.

Mais l’hôtellerie de plein air, autrefois boudée par les investisseurs, n’est pas loin d’être victime de son succès. Des centaines de campings indépendants attisent les convoitises des groupes intégrés, condamnés à grossir le plus vite possible pour développer les synergies et la vente en direct de leurs emplacements. Et l’émergence d’intermédiaires, comme la plateforme Campings.com , qui permet aux indépendants de renforcer leur commercialisation, n’a fait qu’exacerber la volonté des grands groupes de mettre la main sur leur stock afin d’assurer leur croissance. « Pour récupérer des parts de marché, et restructurer un actif vieillissant, c’est maintenant », résume Pierre Dupuy-Chaignaud. L’idée étant d’atteindre la « taille critique » indispensable pour se faire une place au soleil.

Conséquence de cette course à l’échalote : les prix ne cessent de grimper, certains propriétaires n’hésitant pas à faire monter les enchères. « On a vu des transactions se faire à un montant largement supérieur à la valeur du bien, de manière irrationnelle », peste un investisseur. L’envolée des prix pourrait toutefois se stabiliser, même si les campings les mieux placés – notamment en bord de mer – devraient conserver une belle cote auprès des acquéreurs. « Il ne suffit pas d’acheter, il faut savoir exploiter. Et on voit que certains groupes commencent à revendre », prévient Alain Calmé.

Par Yann Duvert – A retrouver en cliquant sur Source

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