Une vodka pour la planète

En Suède, la distillerie Absolut a quasiment réduit à néant ses émissions de carbone. La preuve que production de masse et respect de l’environnement sont conciliables.

Dans le pré qui borde la distillerie Absolut, à Nöbbelöv, dans le sud de la Suède, quelques vaches paissent tranquillement. « Les bovins et les cochons sont nos premiers consommateurs, devant les humains ! » s’exclame Maria Béres, la responsable communication du numéro 2 mondial de la vodka. Pour chaque litre mis en bouteille, un volume neuf fois supérieur de vinasse, le résidu sans alcool de la distillation, est revendu à bas prix aux éleveurs de la région. Cette potion protéinée nourrit quotidiennement 250 000 porcs et 40 000 vaches.

En appliquant les principes de l’économie circulaire, où chaque déchet est réutilisé, la distillerie est devenue l’une des plus respectueuses de l’environnement au monde. « Nous avons émis 96 % de CO2 de moins que la moyenne mondiale, d’après un rapport de 2016 », indique Anna Schreil, vice-présidente d’Absolut en charge des opérations. Pour atteindre un bilan neutre, les émissions résiduelles – 1019 tonnes de CO2 en 2017 – sont compensées par des investissements dans la plantation d’arbres au Mexique, qui absorbent une quantité supérieure de carbone.

Emissions en baisse de 80 % depuis 2004

Alors que se déroule actuellement la COP24 (24e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques) à Katowice, en Pologne, la marque rachetée par Pernod Ricard en 2008 est devenue le porte-étendard des efforts écologiques du groupe. « Depuis 2004, nous avons réduit notre consommation d’énergie de 45 % et nos émissions de CO2 de 80 % », se réjouit Anna Schreil. Absolut fait désormais de cette vertu un argument de vente, mis en avant cette année dans une campagne publicitaire en Suède.

Du champ à l’entrepôt de stockage, chaque maillon de la chaîne participe à l’effort. Le blé, élément de base de la vodka, est intégralement fourni par 405 fermiers de la région. « Nous n’utilisons que des variétés d’hiver, qui ne nécessitent normalement pas d’irrigation, et incitons nos fournisseurs à respecter un cahier des charges qui minimise l’usage de pesticides et d’engrais », précise Anna Schreil.

Une fois récoltées, les céréales sont acheminées à la distillerie de Nöbbelöv. Ce géant de métal a été conçu pour minimiser sa consommation d’énergie. En 2017, l’électricité utilisée y était à 90 % renouvelable, grâce au large réseau de centrales hydroélectriques de Suède, championne d’Europe en la matière. Dans de vastes bassins d’acier, le moût, mélange de blé écrasé, d’eau et d’enzymes, est cuit, puis refroidi grâce à une eau qui se réchauffe en parallèle. « Ce principe d’échangeur thermique est utilisé partout dans l’usine », souligne Thomas Olsson, l’ingénieur en chef. Le mélange est envoyé vers des cuves de fermentation, surplombées de tuyaux qui récupèrent le CO2 émis, et ensuite revendu à Air Liquide. Ultime étape, la distillation, qui s’opère en continu dans de longues colonnes d’acier, filtre les impuretés, comme le méthanol, ensuite brûlé comme carburant.

Les camions roulent au bio

En bout de chaîne, l’alcool pur à 96 % est dilué jusqu’à 40 % avec une eau puisée sous la distillerie, dans un réservoir naturel à 140 mètres de profondeur. « D’ici à 2040, nous avons l’ambition de devenir neutre en eau », affirme Anna Schreil, c’est-à-dire d’en réduire l’usage et de le compenser en investissant dans des projets de sources ou de traitement de l’eau. Le précieux liquide est transporté jusqu’à l’usine d’embouteillage, à l’entrée d’Ahus, à 15 kilomètres de là, par des camions qui roulent au biodiesel, un carburant vert. Dans un hangar entièrement automatisé, 15 000 bouteilles de verre à 50 % recyclé sont remplies par heure, sur chaque ligne de production. Quand elles présentent un défaut, elles sont mises de côté avant d’être recyclées elles aussi. Une fois empaquetées, elles sont envoyées vers un immense entrepôt de stockage, sur le port d’Ahus, où stationnent les 99 % de la production destinés à l’export. En l’absence de visiteurs, les lumières y restent éteintes. Des pinces robotisées piochent dans le noir, parmi les milliers de caisses empilées, celles destinées au prochain départ en bateau. C’est le dernier point faible du système, car le transport maritime émet peu de CO2, mais beaucoup de particules fines, très nocives pour la santé.

En chiffres :

  • 127 millions de bouteilles de vodka Absolut sont produites chaque année.
  • 50 % du verre des bouteilles provient du recyclage.
  • 290 000 animaux sont nourris grâce aux résidus non alcoolisés de la production

Source : Une vodka pour la planète