Vin : Pernod Ricard poursuit son ascension dans le rosé

Pernod Ricard est en négociation pour l’achat des 280 hectares de vigne des Terres de Ravel en Provence. Cette opération est menée par le Château Sainte-Marguerite, Cru Classé Côtes de Provence, dont le géant des vins et spiritueux partage les 230 hectares avec la famille Fayard depuis 2022.

Pernod Ricard vise la clientèle de l'hôtellerie de luxe, ou des bars de nuit, avec le rosé de Château Sainte-Marguerite et les « Terres de Ravel ».
Pernod Ricard vise la clientèle de l’hôtellerie de luxe, ou des bars de nuit, avec le rosé de Château Sainte-Marguerite et les « Terres de Ravel ». (Getty Images)

Le rosé de Provence continue d’aiguiser l’appétit des grands groupes. Après LVMH (propriétaire des « Echos ») avec Château d’Esclans, Galoupet et Minuty, Pernod Ricard devrait, avant l’été, considérablement élargir son activité dans ce vin en faisant une nouvelle acquisition dans le Var.

L’opération, menée par le Château Sainte-Marguerite, propriété du groupe et de la famille Fayard depuis 2022, porte sur l’achat des 280 hectares des « Terres de Ravel » pour un montant non divulgué. Elle portera à environ 510 hectares le vignoble des deux partenaires. Les « Terres de Ravel » appartiennent à Frédéric Ravel, dont la famille possédait ce domaine. Les négociations, en cours, devraient déboucher cet été.

L’objectif de Pernod Ricard et de la famille Fayard est d’augmenter la production de vin rosé de Château-Marguerite, Cru Classé Côtes de Provence, afin d’accélérer les ventes en France et à l’international sur des marchés comme les Etats-Unis, le Benelux et l’Allemagne. L’Asie (en particulier le Japon) fait également partie des cibles. Pour le groupe Pernod Ricard, il ne s’agit pas tant de développer ses activités dans le vin, qui compte pour moins de 3 % de son chiffre d’affaires mondial, que d’enrichir son pôle Luxe.

Positionnement haut de gamme

« Le rosé a changé de statut. Ce n’est plus seulement le petit vin frais qui se buvait l’été en pique-niquant. Il tend à remplacer le champagne auprès d’un public plutôt féminin, dans les restaurants étoilés et les clubs de nuit », explique-t-on chez Pernod Ricard. « Les ventes de Château Sainte-Marguerite sont d’ailleurs comptabilisées dans notre pôle champagne, avec Perrier-Jouët et Mumm. » Le rosé de ce domaine revendique un positionnement haut de gamme, avec des bouteilles entre 20 et 55 euros chez les cavistes. L’hôtellerie et le monde de la nuit pratiquent des tarifs très supérieurs.

Les vignerons provençaux ne voient pas toujours d’un bon oeil se multiplier les investissements des grands groupes dans leur région. Les acquisitions opérées par des industriels et des stars telles que Brad Pitt (Miraval), George Lucas (Margüi), George Clooney (Canadel) ou encore Tony Parker (Mascarone) ont fait flamber les prix du foncier, rendant inaccessibles les droits de succession ou les acquisitions. Une situation qui a parfois provoqué tensions et violences sur le terrain.

Pour éviter de mettre plus d’huile sur le feu, Pernod Ricard s’est engagé à rétrocéder 20 des 280 hectares des « Terres de Ravel » à la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer). « L’idée est que ces hectares puissent être acquis à des prix raisonnables par de jeunes agriculteurs », dit-on dans le groupe Pernod Ricard.

Croissance des ventes

La famille Fayard ne pense pas s’en tenir là. Elle envisage d’augmenter encore son vignoble qui, d’ici dix ans pourrait atteindre 600, voire 1.000 hectares. Une taille et des volumes qui lui permettraient d’investir dans ses équipements et le mettraient encore en meilleure position de négociation de ses vins. L’acquisition de nouveaux terroirs est aussi une source de richesse et de complexité des assemblages de rosé.

Après avoir connu une accalmie entre 2018 et 2021 , les ventes de rosé ont retrouvé du dynamisme dans le monde. IWSR table sur une croissance des ventes de 3 à 6 % d’ici à 2027 en France. Sur le marché américain, ce spécialiste des tendances de consommation des vins et spiritueux table sur une croissance de 13 % des vins rosés aux Etats-Unis. Une bouteille de rosé sur deux produites en France est exportée.

La Chine et les Etats-Unis continuent de plomber le chiffre d’affaires sur neuf mois

Deux gros marchés affectent l’activité de Pernod Ricard sur les neuf premiers mois de son exercice décalé. Un contexte économique toujours compliqué en Chine (-9 %) et l’effet déstockage aux Etats-Unis (-8 %) expliquent une bonne partie de la baisse du chiffre d’affaires de 6 % de 9,5 milliards d’euros à 8,9 milliards. L’activité globale, hors ces deux marchés, montre des signes de redressement au troisième trimestre. C’est particulièrement vrai en Inde où les ventes sont en hausse de 8 % sur cette période et dans le « travel-retail » où elles ont bondi de 38 %. Pernod Ricard table sur une croissance à moyen terme entre +4 % et +7 %, avec une augmentation de 50 à 60 points de base de la marge opérationnelle courante.

Marie-Josée Cougard