«Beaucoup de chefs d’entreprise ne sont pas payés», les restaurateurs ont l’impression d’être pressés comme des citrons
jeinflation, concurrence, hausse des coûts, évolution des habitudes de consommation… Les restaurateurs ne s’amusent pas et ils ont de bonnes raisons de s’inquiéter. Après une année 2022 record avec la réouverture totale des établissements suite à la crise du Covid, 2023 a été marquée par un sévère contrecoup du secteur.
Selon l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie-restauration (Umih), pas moins de 7.200 restaurants sur environ 179.000 ont fermé leurs portes en France l’an dernier. Cela représente 44 % d’échecs en plus par rapport à l’année précédente. A tel point qu’en Gironde, le président du tribunal de commerce a demandé à recevoir des représentants de la profession car la situation l’inquiète. Jamais vu.
7 200 restaurants fermés en France l’an dernier, soit 44% de pannes en plus par rapport à 2022
« Entre le prix des matières premières qui a augmenté, le coût de l’énergie qui s’est envolé et les salaires qui ont été revus à la hausse de 16 %, on ne peut pas vendre un plat au même prix qu’il y a trois ans. ou quatre ans », souligne Franck Chaumès, président de la branche restauration de l’Umih, lui-même propriétaire de plusieurs établissements à Bordeaux. « Nous avons fait le calcul », poursuit-il : en fin de bilan, une fois toutes les charges payées, il reste à un restaurateur 1 à 2 % de marge pour son salaire. De nombreux propriétaires d’entreprises ne se paient pas. Ceux qui s’en sortent sont ceux qui ont déjà payé leur contrat. »
Une concurrence plus rude
Mais si les restaurateurs sont en difficulté, l’inflation n’est pas la seule en cause. Selon le cabinet de conseil Gira, spécialiste du secteur, qui vient de publier son étude annuelle sur la consommation alimentaire hors domicile, la fréquentation marque un léger recul, de l’ordre de 2%, alors que la concurrence est de plus en plus rude. Il existe en effet aujourd’hui une unité de restauration (restauration rapide et traditionnelle) pour 170 Français, contre une unité pour 210 Français en 2013. Dans cette offre de plus en plus abondante, difficile pour un professionnel de se démarquer et de ne pas subir.
« Les collectivités devraient pouvoir prendre des mesures pour limiter le nombre d’établissements »
Pour Franck Chaumès, la facilité d’implantation d’un bar ou d’un restaurant est en partie responsable de cette situation. « Les collectivités devraient pouvoir interdire le changement d’usage des locaux commerciaux. Aujourd’hui, un magasin de vêtements qui ferme ses portes peut devenir un restaurant. Pour l’exploitant, c’est moins cher que d’acheter un fonds de commerce, et le propriétaire peut augmenter son loyer. Mais pour préserver l’économie de notre secteur, cela ne devrait pas être possible, sauf au cas par cas. »
Le représentant des restaurateurs de l’Umih n’y va pas avec le dos de la cuillère et n’hésite pas à réclamer la mise en place d’un numerus clausus. « A Bordeaux, grâce au travail de Jean-François Tastet [ancien président de l’Umih 33, NDLR], et en écoutant le préfet, nous avons réussi à geler la mise en place des autorisations dans le secteur protégé. Mais les communes devraient pouvoir prendre des mesures pour limiter le nombre d’établissements. »
L’ubérisation en question
La moutarde monte encore au nez de Franck Chaumès lorsqu’il évoque l’ubérisation de la société qui touche en priorité les restaurateurs. “Nous embauchons 200 000 personnes par an et nous avons du mal à les trouver, Amazon va en embaucher 2 000 et ils leur déroulent le tapis rouge”, s’étonne-t-il. Nous ne sommes pas autorisés à faire appel à des travailleurs indépendants dans nos entreprises, mais les pédaleurs plus cool, comme nous les appelons, le sont tous. Ces plateformes de livraison sont souvent interdites, nous devrions les condamner au lieu de nous mettre des bâtons dans les roues. »
Pour le représentant syndical, si la tendance actuelle se poursuit, la restauration traditionnelle sera condamnée. La jeune génération préfère investir dans des entreprises de street food ou de finger food. Des établissements qui nécessitent presque deux fois moins de personnel qu’un restaurant classique à chiffre d’affaires équivalent.
« Je ne suis pas opposé à ceux qui font de la restauration rapide, ce sont aussi nos adhérents », poursuit Franck Chaumès. Mais un gros avantage fiscal devrait être mis en place pour encourager les embauches. C’est le seul moyen d’attirer les jeunes vers le secteur de la restauration traditionnelle, où il faut un chef, des serveurs et un lave-vaisselle. C’est là que nous créons des emplois. » Le président de la branche restauration de l’Umih appelle le gouvernement à « se mettre autour de la table ».
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