Champagne : le paradoxe d’une année 2022 exceptionnellement bonne

Les vendanges en champagne ont été exceptionnelles. Les vignerons vont pouvoir reconstituer leurs réserves. Les expéditions ont augmenté de 14,7 % sur douze mois. Les producteurs ont du mal à faire face à la demande.

Qualité et quantité sont au rendez-vous en Champagne. De quoi présager d’ « un millésime solaire » , dit Maxime Toubart, le président du Syndicat général des vignerons (SGV). « L’année a été très ensoleillée. Il y a eu peu de précipitations, mais nous avons eu de la pluie chaque fois qu’on en a eu besoin », estime Laurent Panigai, le nouveau directeur du Syndicat des vignerons.

« Les expéditions ont fait un bond de 14,7 % sur douze mois glissants à fin août, essentiellement tirées par l’exportation. « Tout le monde veut du champagne. La demande afflue de partout. Des pays voisins. Des Etats-Unis, où elle explose avec la parité favorable au dollar. En France, on voit se multiplier les ouvertures de cavistes. Tous les opérateurs champenois, maisons, coopératives et vignerons enregistrent une progression de leurs ventes », constate Maxime Toubart.

Tensions sur les volumes

Une photo idyllique du secteur qui pourtant cache des tensions. En fait, la région doit gérer le manque de champagne et elle a du mal à faire face à l’explosion de la demande. Elle doit aujourd’hui faire face aux conséquences de la baisse des volumes intervenue en 2020 puis en 2021. « Nous ne prenons plus de nouveaux clients », dit un vigneron. « Nous fonctionnons par allocations », dit un autre, ce qui revient à limiter les volumes vendus à chacun. « Il faudra encore 18 mois si tout va bien pour revenir à une situation normale », estime un troisième.

Pour expliquer cette pénurie, il faut se remémorer 2020 et l’arrivée du Covid en mars. Les frontières se sont brusquement fermées. Les hôtels, bars et restaurants aussi. Chacun a été prié de rester chez soi. Les ventes de champagne se sont effondrées. « Nous avons cru que nous allions tous passer à la trappe », dit Maxime Toubart. La Champagne est alors tombée d’accord pour récolter 20 % de raisins de moins qu’en 2019 et 2018. L’idée étant de limiter la casse économique.

Des surprises

« On peut regretter cette décision a posteriori », disent aujourd’hui certains vignerons. « Cela faisait de la peine de voir de beaux raisins non récoltés, mais à vrai dire personne ne savait où on allait avec le Covid ». De fait, contre toute attente, la consommation de champagne a connu deux pics en 2020. Au premier déconfinement et pour les fêtes. Puis, la demande s’est envolée en 2021. Par malchance, la récolte de 2021, affectée par une pluviométrie excessive a été très maigre.

En 2022, le succès du champagne se poursuit, alors que les réserves peinent à couvrir la demande. Les prix montent. Chez les vignerons, dont la gamme de prix reste au rang du « luxe accessible », entre 15 et 25 euros en moyenne, selon Maxime Toubart, les hausses enregistrées sont de 1 à 2 euros par bouteille.

Exploiter ou céder ?

Un autre nuage obscurcit l’horizon des vignerons, qui disent s’inquiéter pour la pérennité de leurs exploitations, alors que 63 % d’entre eux ont plus de 50 ans et vont devoir transmettre leur exploitation. « La transmission est un défi majeur en raison du prix du foncier. Les droits de succession s’élèvent à 5,4 années de résultat courant avant impôt pour un exploitant et jusqu’à 28 années de revenus pour un bailleur », selon le SGV. « Cette fiscalité patrimoniale frappe lourdement les héritiers de la vigne, qui sont incités à céder plutôt qu’à exploiter ».

Les vignerons demandent aux parlementaires de profiter des discussions qui démarrent de la loi de finances pour alléger cette fiscalité. « Si on ne prend pas la mesure du problème, la France perdra ses vignobles comme elle a perdu son industrie dans les années 1980 », affirme Eric Girardin, député de la Marne, auteur du rapport demandé par le Premier ministre sur la question.

Par Marie-Josée Cougard – A retrouver en cliquant sur Source

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