
Champagne : l’exportation amortit la chute du marché français
L’année 2020 restera marquée d’une pierre noire pour le champagne avec une chute des expéditions de -18 %. Pour la première fois en trente ans, l’exportation s’est mieux tenue que le marché français pénalisé par l’effondrement du tourisme et la chute d’activité de l’hôtellerie, de la restauration et de l’événementiel.
L’année 2020 aura finalement été « moins catastrophique » que ne le redoutait la Champagne. Les ventes de bouteilles à bulles sont en retrait de 18 %, à 245 millions de bouteilles, alors qu’au plus fort de la crise l’an passé, elles avaient chuté de 30 %. Le manque à gagner initialement envisagé à 1,7 milliard d’euros devrait être inférieur à 1 milliard d’euros sur l’ensemble de l’année – où la filière a finalement écoulé pour environ 4 milliards d’euros. Et il n’y a eu ni casse sociale ni faillites.
L’organisation champenoise a joué à plein. « Nous avons pris des décisions courageuses pour sauvegarder le modèle et partager la valeur ajoutée », estime Jean-Marie Barillère, président de l’Union des Maisons de Champagne. Producteurs et négociants sont tombés d’accord pour limiter la production et limiter la casse. Une leçon tirée de la crise de 1992, où les décisions se sont prises brutalement avec la division par deux du prix du raisin. Le rendement à l’hectare aurait pu permettre une récolte de 12.000 kilos. Il ne sera mis en production que l’équivalent de 8.400 kilos à l’hectare. La différence est stockée.
Ventes de dernière heure
« Nous sommes passés par toutes les couleurs en 2020. On ne pensait pas s’en sortir. Après un excellent mois de janvier, nous avons vécu l’effondrement des ventes du mois d’avril, puis une explosion de la consommation cet été et à nouveau une période difficile à l’automne. Les expéditions de décembre et les achats de dernière minute nous ont sauvés », explique Maxime Toubart, président du Syndicat général des vignerons.
Symbole festif s’il en est, le champagne est le vin que les étrangers associent à leur visite en France. « L’effondrement de la fréquentation touristique de notre pays, des séjours dans l’hôtellerie de luxe et l’annulation de tous les événements expliquent en grande partie les résultats en 2020 », commente Jean-Marie Barillère. Au total, l’exportation (-16 %) a fait de meilleurs scores que le marché national (-20 %). « C’est la première fois en trente ans. Le marché français est d’ordinaire très résilient. Cette année est très exceptionnelle », ajoute Jean-Marie Barillère. L’Europe s’est plus distinguée que les autres marchés, exception faite de l’Australie qui a augmenté ses commandes.
Deux longs week-ends de fêtes de fin d’année
« Les habitudes de consommation des étrangers ne sont pas les mêmes », estime Maxime Toubart. « Pour les Français, le champagne est associé aux sorties, ce qui est beaucoup moins le cas aux Etats-Unis, par exemple. Les Américains sont allés acheter leur champagne chez le caviste pour le boire à la maison », dit-il.
En France, il n’y a pas eu de report de consommation de cet ordre. A la nuance près qu’en l’absence de restaurants et de boîtes de nuit, les Français ont bu beaucoup de champagne en famille pour Noël et le Nouvel An. Le calendrier a eu un effet très favorable, si bien qu’on a célébré la fin de l’année sur deux longs week-ends de quatre jours au lieu de deux soirées. Le besoin de faire la fête en réaction à la crise sanitaire a fait le reste. Les ventes en décembre n’ont reculé que de 5 % par rapport au même mois en 2019. En France, cette baisse a été de 7 %. Jean-Marie Barillère s’est dit « surpris par ces bons résultats ».
Explosion de l’e-commerce
Autre caractéristique de l’année écoulée, elle a vu l’explosion des ventes en ligne. « Les vignerons ont été très nombreux à créer leur site », précise Maxime Toubart. « Beaucoup ont pris leur camion pour aller livrer eux mêmes les clients ou mis en place du click & collect ». Une tendance qui devrait perdurer au-delà de la crise du Covid, selon l’interprofession (CIVC). « Les Champenois ont tous pris conscience de la nécessité de diversifier les circuits commerciaux ». Les producteurs dédiés à l’hôtellerie et à la restauration ont beaucoup souffert. Pour 2021, Maxime Toubart et Jean-Marie Barillère se disent « sereins ». Ils croient à l’ « effet rebond » si la crise sanitaire est réglée en milieu d’année.
Article de Marie-Josée Cougard -A retrouver en cliquant sur Source
Source : Champagne : l’exportation amortit la chute du marché français | Les Echos