Crise ouverte à l’association nationale des industries agroalimentaires
Deux des plus gros contributeurs à l’Association nationale des entreprises agro-alimentaires (Ania) quittent l’organisation. L’un d’eux lui reproche un rapport coût-bénéfice défavorable. L’ANIA aura un nouveau président le 20 juin, pour la première fois de son histoire, issu du monde agricole.
Avis de gros temps à l’Ania (Association des entreprises industrielles de l’alimentation). Deux de ses plus gros contributeurs ont remis leur démission. La puissante Fédération nationale des industries laitières (FNIL) et les entreprises de la bière (Brasseurs de France) ont décidé de quitter l’organisation, dont elles sont des membres historiques. La mesure prendra effet en fin d’année, sachant qu’elles se sont acquittées de leurs cotisations pour 2024 et que les statuts de l’ANIA demandent un préavis de six mois.
La mission de l’ANIA est d’accompagner les entreprises alimentaires face aux grandes mutations sociétales et d’assurer leur promotion. Lourde responsabilité au regard du poids de l’industrie agro-alimentaire dans l’économie nationale, qui totalise un chiffre d’affaires proche des 200 milliards d’euros et dégage le deuxième excédent de la balance commerciale.
Un tiers du budget
La FNIL a fait savoir son mécontentement à plusieurs reprises, sans obtenir gain de cause, estimant que « les services rendus par l’ANIA n’étaient pas à la hauteur des sommes qu’elles lui versent ». La FNIL et les cent entreprises, qu’elle réunit (Bel, Danone, Lactalis, Savencia et moult PME) paient 600.000 euros par an à l’ANIA. L’industrie laitière aurait souhaité « une refondation » de l’ANIA, au profit d’ « une plus grande efficacité opérationnelle » et d’ « une réelle dynamique stratégique », explique François Xavier Huard, directeur général de la fédération laitière. La FNIL a explicité ses demandes dans un courrier adressé le 27 mai au président en exercice, Jean-Philippe André.
Les motifs du départ de Brasseurs de France, qui versent quant à eux 300.000 euros, sont nettement plus opaques. « Nous avons entamé une réflexion stratégique depuis plusieurs mois sur nos priorités, qui devrait se concrétiser en 2025. Dans l’attente de cette échéance, il a été décidé de démissionner à la fin de l’année », se contente de dire Magali Filhue, déléguée générale du syndicat de la bière.
Coup dur
Le rôle joué par l’ANIA dans les toujours inextricables négociations commerciales avec les distributeurs n’est pas en cause. Son action en la matière est reconnue. Comme ses apports à la loi Descrozailles, qui a complété EGALIM, des textes destinés notamment à préserver le revenu des agriculteurs, à limiter les promotions et certaines pratiques des enseignes jugées dommageables par ses fournisseurs. En revanche, des dossiers comme la transition écologique, la décarbonation des entreprises, l’attractivité des métiers, la construction des filières, l’implantation des territoires n’ont pas été traités, selon la FNIL.
Pour l’ANIA ces démissions sont un coup dur. Avec le départ de la FNIL et de Brasseurs de France, elle voit s’envoler 30 % de son budget de 3 millions d’euros, alors qu’elle fait l’objet d’une condamnation de l’Autorité de la concurrence pour entente dans l’affaire du bisphénol A, qui lui a infligé une amende de 2,7 millions d’euros.
Poussée du monde agricole
Le 20 juin, elle doit se réunir en assemblée générale pour élire son nouveau président. A date, le seul candidat à la succession de Jean-Philippe André, est Jean-François Loiseau, céréalier, président de la coopérative Axéréal, dont le chiffre d’affaires a dépassé les 5 milliards d’euros en 2023. C’est la première fois de l’histoire de l’ANIA qu’un agriculteur en prendra la présidence, sachant que l’association a été créée pour représenter les intérêts des entreprises privées.
Parallèlement, Christiane Lambert, ex-présidente de la FNSEA, dont le mandat à la tête du COPA COGECA, qui fédère les organisations professionnelles et les coopératives agricoles au niveau européen, se termine fin juin, prendra quant à elle la présidence des Entreprises de charcuterie traiteurs (FICT). Cette poussée inédite des intérêts agricoles à la tête de ces deux organisations industrielles laisse présager de nouveaux projets, qui posent question à nombre d’adhérents privés.
Par Marie-Josée Cougard – A retrouver en cliquant sur Source
Source : https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/crise-ouverte-a-lassociation-nationale-des-industries-agroalimentaires-2101035