Ce mode d’exploitation des magasins limite les dépenses d’investissement. Il est également clef dans le commerce de proximité.

La franchise, nouvelle frontière des grands groupes de distribution ? La question peut surprendre dans le paysage d’un secteur qui tenait jusqu’à présent du jardin à la française : d’un côté les intégrés – Carrefour, Casino, Auchan, FNAC, Darty – et de l’autre les réseaux d’indépendants – Leclerc, U, Intermarché et une foule de petites enseignes dans le non-alimentaire. Mais les temps sont durs, la concurrence du e-commerce s’accroît et la guerre des prix pèse sur la rentabilité. Il faut tenir les dépenses d’investissement (les fameux capex) et pour cela rien de tel que de demander à d’autres d’investir à votre place.

« La franchise va devenir très importante pour Auchan », a déclaré il y a quelques jours son président au magazine spécialisé « LSA ». Wilhelm Hubner vise notamment les pays satellites de la Russie où son groupe est très présent « en propre ». Carrefour est fier d’être présent dans plus de 30 pays, mais c’est par le biais de franchisés dans une vingtaine d’entre eux. Une opération a lancé ce mouvement en 2012  : la vente de la filiale indonésienne au local CT Corp qui a gardé l’enseigne.

La réplique aux places de marché des e-commerçants

Depuis quelques années également, Darty et la FNAC ne se développent quasiment qu’en franchise : 36 ouvertures sur 37 en France pour le premier l’an passé, 20 ouvertures sur 20 en France pour la seconde. Fin 2016, les deux enseignes aujourd’hui réunies dans le même groupe comptaient au total 154 franchisés sur un parc de 452 magasins. La franchise, c’est la croissance du pauvre, mais aussi la réponse à la conjoncture qui pousse les indépendants à rallier les concepts les plus porteurs. C’est également un hommage rendu à la bonne gestion de ces mêmes indépendants.

Lors de la présentation des résultats annuels de Casino, le PDG Jean-Charles Naouri a justifié le passage de nombreux Leader Price en franchise par le fait que dans une situation difficile, le franchisé, propriétaire de son affaire, se montrait plus efficace que des salariés. Leclerc, qui gagne des parts de marché depuis plusieurs années , souligne l’efficacité des indépendants.

La franchise, c’est par ailleurs la réplique des magasins « en dur » aux places de marché des e-commerçants comme Amazon : pas d’investissement et une redevance sur les ventes qui tombe directement dans le compte de résultat. Avec, de surcroît, des volumes d’achat garantis qui permettent de peser sur les fournisseurs.

Une bataille féroce dans les grandes villes

Le modèle reverdit d’autant plus en France que le commerce de proximité prend un importance croissante en raison de l’évolution des modes de consommation. Les petits supermarchés sont développés en franchise depuis cinquante ans par Casino (avec aussi Franprix et Leader Price) et Carrefour qui a hérité des réseaux de Promodès. Fin 2016, le premier comptait 3.431 franchisés (392 Franprix, 383 Leader Price, 83 Supermarché Casino, 1.709 Vival et 864 Spar). Le second exploite 4.222 magasins de proximité essentiellement en franchise et la moitié de ses supermarchés Market (le groupe a 1.062 supers au total) sont des franchisés.

Les changements d’enseigne ne sont pas très fréquents

Ces deux historiques voient arriver de nouveaux concurrents. Auchan veut développer ses petits My Auchan , les Mousquetaires leurs Intermarché Express , etc. « Bientôt, un tiers de la population vivra dans des grandes agglomérations. Nous ne pouvons pas être absents de ces zones », indiquait il y a quelques jours Thierry Cotillard, président d’Intermarché. Les places sont rares. Les spécialistes du bio se mettent aussi sur les rangs. Les concepts installés se modernisent. La version Mandarine de Franprix dope, par exemple, jusqu’à 40 % les ventes des magasins. De quoi s’assurer la fidélité des franchisés.

« Les changements d’enseigne ne sont pas très fréquents », résume Gérard Dorey, ex-patron des petits magasins Carrefour et président de la Fédération de l’épicerie et du commerce de proximité. D’autant moins que les groupes comme Carrefour sont souvent actionnaires de la société de leur franchisé. La bataille de la franchise sera difficile pour les actuels perdants de la proximité en grande zone urbaine. Elle n’en sera que plus féroce.