
La restauration mise sur la solidarité
L’ouverture à Paris, après Nantes, du Reflet, un restaurant employant une majorité de salariés porteurs d’une trisomie 21 montre la voie pour de nouveaux modèles. Et le monde de la gastronomie ne manque pas d’idées pour jouer un rôle social.
De nouveaux restaurants naissent à Paris tous les jours ou presque. Le Reflet, qui a ouvert en octobre dans le Marais après avoir été créé à Nantes fin 2016, n’est cependant pas tout à fait comme les autres. Non pas tant pour sa cuisine fondée sur des plats mijotés de saison et bâtie autour d’une carte courte qui en font un établissement dans l’air du temps. Mais pour l’équipe mise en place. Autour du chef, elle se compose en effet en majorité de personnes porteuses d’une trisomie 21.
L’objectif est de leur offrir des opportunités d’emploi dans un milieu ordinaire. Tout est né du projet que Flore Lelièvre a présenté pour son diplôme d’architecture d’intérieur. Planchant sur l’idée d’inclusion, elle y imaginait un lieu permettant de travailler à des personnes trisomiques comme l’est son grand frère. Son énergie a fait le reste, donnant vie au concept. « Le Reflet permet une intégration professionnelle et sociale. En créant une rencontre, il représente un moyen de sensibiliser à la différence », souligne la jeune fondatrice.
Un pari réussi
Les deux établissements sont des SAS qui ont donné lieu à des levées de fonds auprès de personnes privées motivées et à du financement participatif. Pour montrer qu’il s’agit d’entreprises économiquement viables. Mais l’association Trinôme 44 est dans les comités de pilotage et se porte garante des valeurs des projets. Tout y est soigneusement pensé. Pour passer commande, les convives tamponnent des cases sur des cartonnettes portant le nom des plats. Tandis qu’une collection d’assiettes ergonomiques a été spécialement réalisée pour correspondre aux capacités de préhension des personnes trisomiques.
S’appuyant sur les trois ans d’existence à Nantes, Flore Lelièvre juge que le pari est réussi. « Au début, les gens venaient pour le projet. Aujourd’hui, ils reviennent pour la bonne table », constate-t-elle. En parallèle, les jeunes gens employés en CDI avec des temps partiels adaptés ont accru leurs compétences. Et l’expérience a séduit le chef de l’Elysée, Guillaume Gomez , qui est devenu le parrain du Reflet Paris.
Faire évoluer les regards
La nourriture ayant un caractère universel, elle constitue un bon moyen de faire passer des messages. Les pistes pour lier gastronomie et rôle joué dans la société sont multiples. Jusqu’au 1er décembre se déroule l’opération « Une Part en plus ». 65 chefs et restaurants s’engagent à reverser 10 % d’un plat ou d’un menu à Action contre la faim. Au-delà de la récolte de fonds, l’initiative représente aussi l’occasion de sensibiliser le public aux causes de la faim dans le monde.
L’association Etoilés et Solidaires, regroupant des chefs allant de Pierre Gagnaire à Stéphanie Le Quellec, lutte, elle, contre l’isolement, notamment celui des personnes âgées en créant des ateliers culinaires ou en lançant des invitations dans des établissements.
Tandis que l’association Food Sweet Food a créé le Refugee Food Festival , permettant chaque année de confier les fourneaux de restaurants à des cuisiniers réfugiés. Une manière de faire évoluer le regard des gens mais aussi d’accélérer l’insertion professionnelle de ces chefs. Food Sweet Food dispose aussi d’un restaurant à Ground Zero à Paris qui sert de tremplin pour préparer l’ouverture d’un établissement.
Une valeur d’exemple
Ces projets sont soutenus aussi bien par du crowdfunding que par le fond Dotation Jeunes Talents de Gault & Millau ou Elior Group Solidarité. Jusqu’en décembre, les convives de la Résidence peuvent déguster les plats du Syrien Haitham Karajay, qui a travaillé dans les médias dans son pays avant d’arriver en France en 2015. Une occasion de découvrir le mouhammara, un caviar de poivrons et noix ou un shawarma aux épices syriennes.
Et les initiatives essaiment. Les initiateurs du Reflet sont régulièrement sollicités par des gens ayant envie de répliquer le modèle. L’initiative a donné naissance au livre « Restaurants extraordinaires » pour inspirer d’autres entreprises envisageant d’employer des gens ayant un handicap. Rien ne vaut la cuisine pour aider à la communication.