Les enjeux de la Restauration rapide en Ile-de-France

Le CROCIS (Centre régional d’observation du commerce, de l’industrie et des services) vient de publier son étude du marché de la restauration rapide en Ile-de-France. Ce marché a triplé ces 15 dernières années pour atteindre 51 Md€ sur le plan national. Avec ses 12,1 M d’habitants, l’Ile-de-France et ses zones urbaines très denses offrent un terrain d’implantation idéal pour la restauration rapide qui y concentre 18 000 établissements, soit 22 % des établissements français de la restauration rapide.
Selon l’Insee, 6 500 établissements de restauration rapide sont situés à Paris, soit 36 % des établissements de la région. Avec plus de 2 500 établissements, soit 14 % du total régional, la Seine-Saint-Denis est le 2e département le plus dense, devant les Hauts-de-Seine et leurs 1 960 établissements. En termes d’emploi, la rapide en Ile-de-France réunit 64 900 salariés, soit 31 % des effectifs français du secteur. Pour rappel, la restauration rapide reste constituée d’établissements de très petites tailles. Plus de la moitié (51 %) des établissements n’ont aucun salarié et 73 % d’entre eux ont tout au plus deux salariés. Le secteur est majoritairement composé d’indépendants, même si les grandes chaînes nationales et internationales sont bien présentes sur le marché.
+ 63 % d’établissements de restauration rapide en région parisienne entre 2009 et 2016.
Ce marché a été porté par la hausse du nombre de repas pris à l’extérieur, estimé à 70 % des déjeuners. Cela s’est traduit par une hausse de 63 % du nombre d’établissements de restauration rapide dans la région parisienne entre 2009 et 2016.Cette hausse varie selon les départements : elle atteint plus de 94 % et 91 % en Seine-et-Marne et en Essonne, tandis qu’elle ne grimpe que de 44 % dans la capitale où les structures étaient déjà nombreuses. Logiquement, les effectifs salariés ont aussi augmenté de 39 % sur la même période, contre 7 % pour la restauration traditionnelle.

La rapide monte en gamme

Freinée par les problématiques de pouvoir d’achat liées au retournement conjoncturel de 2008, la restauration a également connu en Ile-de-France une baisse de fréquentation de 20 % à la suite des attentats de 2015, en particulier le soir. En parallèle, la vente à emporter n’a cessé de progresser et représente plus d’une commande sur quarante, soit 2,3 % du total des commandes au restaurant.
Sur un secteur qui se doit d’être innovant pour fidéliser un client de plus en plus versatile, l’offre n’a cessé de s’élargir. Exit le trio sandwich-salade-burger, place aux bagels, sushis, poke, crêpes et autres. Mais c’est surtout Cojean qui a ouvert une nouvelle voie : celle de la restauration rapide de qualité, prenant en compte la qualité diététique et gustative. La montée en gamme concernant l’ensemble du marché, tant dans l’assiette que dans la décoration soignée, le confort, les services… de ce fait, le ticket moyen dans ces enseignes s’établit entre 10 et 14 € alors qu’il est de 6,33€ pour la restauration rapide prise dans son ensemble, mais peut grimper jusqu’à 25, voire 28€. L’étude souligne « que les clients sont prêts à payer un peu plus pour des produits de qualité. En effet, de nombreux consommateurs délaissent la restauration à table par souci d’économie, mais ne sont pas prêts pour autant à renoncer au plaisir gustatif, aux produits frais et faits maison. Ils se tournent donc vers une restauration rapide plus sophistiquée. C’est la restauration raide de moyenne gamme qui fait les frais de ce transfert de clientèle vers la restauration rapide premium. »
Ces nouveaux réseaux valorisent les approvisionnements en produits frais et optimisent les circuits courts.

Un marché hyperconcurrentiel

Ce développement du nomadisme alimentaire suscite l’intérêt de nombreux acteurs. En premier lieu les boulangeries. Il y en a 5 140 en Ile-de-France, dont 28 % dans la capitale. Depuis 2009, leur nombre a augmenté de 12 % et leurs effectifs de 24 % (+46 % pour les effectifs de Seine-Saint-Denis). Elles sont aujourd’hui 96 % à proposer une offre de snacking contre 88 % en 2012 et pèsent 14 % de la consommation alimentaire hors domicile, « et cette proportion devrait s’accroître dans les années à venir », estime l’étude. Les boulangeries réalisent 40 % de leur chiffre d’affaires grâce au snacking. D’autres métiers de bouche s’y intéressent. Les traiteurs notamment, qui ont vu leur nombre augmenter de 124 % dans la région entre 2009 et 2016.
Le nombre de boulangeries en région parisienne a augmenté de 12 % entre 2009 et 2012.
Les distributeurs, et en particulier les magasins de proximité, disputent eux aussi le créneau du snacking. Ils développent des emplacements consacrés aux sandwichs, salades, boissons et desserts dans des formats nomades. Certaines enseignes intègrent des espaces de restauration (Daily Monop’, Cœur de Blé, Intermarché Express, Mandarine…). Ces distributeurs utilisent ces espaces pour commercialiser sous leur marque des produits de snacking de plus en plus innovants et dont la gamme ne cesse de s’étendre. Certains concepts s’éloignent encore plus du modèle de la supérette et ressemblent davantage à un restaurant comme les 3 Cantines Daily Monop (Paris VIIIe, Paris IXe et La Défense). Bio C Bon avait franchi le pas dès 2016 en ouvrant son premier restaurant à Boulogne-Billancourt (92). Les food-trucks n’auront finalement croqué qu’une petite part du gâteau, les municipalités veillant à limiter leur nombre afin de ne pas porter préjudice aux établissements existants.
Enfin, les industriels de l’agroalimentaire, qui ont multiplié les innovations dans le domaine du snacking ces dernières années, pourraient eux aussi implanter dans la grande distribution des espaces dédiés à la consommation sur place, à l’instar de Sodebo. L’industriel a lancé le concept l’Atelier sur mesure, un corner implanté au cœur d’un magasin d’Angers qui propose des produits de restauration rapide prêts à consommer (sandwichs, pizza au mètre).
 
Des indépendants fragiles
Sur ce marché hyperconcurrentiel, les indépendants, bien que plus nombreux, sont les plus vulnérables. En rapide, comme pour tout commerce, l’emplacement n°1 reste la règle, d’autant plus que 80 % de la clientèle se trouve à moins de 6 mn à pied de l’établissement. Compte tenu des prix sur les axes de flux que seules les grandes enseignes peuvent se payer, les indépendants sont contraints d’opter pour des emplacements de moindre qualité. Leurs marges de négociations sur les matières premières sont également plus serrées : les coûts fixes sont plus élevés, ces professionnels sont donc plus fragiles.
De leur côté, les grandes enseignes avec leur politique de maillage serré du territoire voient aussi leurs parts de marché fragilisées. La concurrence est rude et si certains prennent le parti de fermer passant 16 h, de plus en plus d’acteurs s’efforcent de diversifier leur offre afin de multiplier les occasions de consommer. Là aussi la grande distribution se montre comme un concurrent redoutable. Ainsi, Monoprix a testé à l’été dernier ses Vendredis Apéros et Franprix, avec ses petits déjeuners Matin, livre à domicile ou au bureau.
Cette rude concurrence explique que les entreprises de restauration rapide soient assez peu pérennes : le taux de survie à 5 ans n’est que de 37,1 % quand celui du CHR dans sont ensemble est de 42,3 %.
La livraison, elle, est en pleine expansion depuis 2015. Effet attentats, mais aussi le manque de temps toujours plus important des actifs qui se font livrer au bureau à l’heure du déjeuner pour gagner du temps. Si les repas du soir représentent 45 % des commandes, la livraison à domicile se développe également à l’heure du déjeuner (30 %) et le petit déjeuner recèle un important potentiel de croissance (15 % des commandes aujourd’hui). Un marché que NPD Group estime à 1,7 Md€. Un axe de travail qui devient incontournable au même titre que la stratégie numérique.

Source : Les enjeux de la rapide en Ile-de-France – Tokster