A l'automne 2023, McDonald's France a lancé son arme anti-inflation, le menu McSmart à 5 euros. Il est toujours en vigueur.McDo, Burger King, KFC… : quand les fast-foods s’enlisent dans la guerre des prix

Depuis plus d’un an maintenant, les grandes enseignes de la restauration rapide se sont armées d’un menu à 5 euros. Si l’objectif est avant tout de faire revenir le consommateur dans les restaurants, quitte à sacrifier une partie de la marge, cette bataille des prix bas pourrait faire des dégâts.

A l’automne 2023, McDonald’s France a lancé son arme anti-inflation, le menu McSmart à 5 euros. Il est toujours en vigueur. (photo Reynaud Julien/Aps-medias/Abaca)

Il est loin le temps des premiers hamburgers à 15 cents chez McDonald’s. L’inventeur du « drive » est depuis largement monté en gamme, à mesure que la compétition s’intensifiait. Mais aussi en tarif, en réponse à une inflation galopante du prix de ses matières premières.

Rien qu’en 2022 et 2023, les prix d’achat de la viande de boeuf, des pommes de terre ou de la sauce tomate – éléments essentiels d’un menu de fast-food – ont connu un taux d’inflation moyen de 35 %.

La première réponse des géants de la restauration rapide, a été de relever les prix des menus. Au risque de voir les clients déserter les restaurants, alors que leur pouvoir d’achat est lui aussi affecté par l’inflation. « Ces hausses ont mené à une perte, petit à petit, de la perception du bon rapport satiété-prix par le consommateur », reconnaît François Blouin, président fondateur de Food Service Vision. En clair, les consommateurs n’en avaient plus pour leur argent.

Pression sur la marge

Pour renvoyer « un signal prix » clair, les grandes chaînes de la restauration rapide se sont munies d’un « menu à 5 euros ». Ces formules à prix cassés contiennent généralement entre quatre et cinq éléments : un (ou deux) sandwich, les traditionnelles frites et boisson, parfois un dessert en plus.

Quick a été le premier à dégainer son offre anti-inflation à l’automne 2023, avec son menu « Qarrément bon » à 4,95 euros. Il a été rapidement suivi par McDonald’s, qui a lancé en décembre son « McSmart » à 5 euros, puis Burger King début 2024 avec le menu « Bon et pas cher » au même prix. Le spécialiste du poulet frit, KFC, et même le nouveau venu Popeyes n’ont pu y échapper eux aussi.

Il existe plusieurs façons de faire baisser les coûts de revient.

François Blouin Président fondateur de Food Service Vision

De quoi mettre la pression sur la marge des grands groupes et de leurs franchisés. D’autant que, si l’inflation sur les prix d’achat a ralenti, il n’y a pas encore de véritable déflation, estiment les analystes. « Il existe toutefois plusieurs façons de faire baisser les coûts de revient. Cela passe notamment par la redéfinition de l’offre contenue dans le menu : que ce soit par la sélection des ingrédients ou encore le travail sur le grammage… », explique François Blouin. Ce « menu réingeniering », comme disent les experts, doit aussi permettre aux équipes de gagner en efficacité sur la préparation des commandes.

Moins de trafic

Enfin, c’est un choix stratégique de la part de ces enseignes. Gagner moins d’argent sur une petite partie de leur gamme dans le but de faire revenir les consommateurs. Les fast-foods reprennent ainsi à leur compte un des premiers préceptes de la distribution moderne, théorisé par Bernardo Trujillo : « créer un îlot de perte dans un océan de profit ».

Encore faut-il que les clients soient au rendez-vous. « Pour que cette stratégie fonctionne, il faut compenser la faible marge par les volumes. Mais comme les volumes ne sont pas là, ça ne marche pas », déplore Bernard Boutboul, président de Gira Conseil, spécialisé dans la consommation alimentaire hors domicile.

Depuis le début de l’année, les enseignes de restauration rapide observent une baisse de trafic de l’ordre de 5 %. La chute est moindre pour les chaînes de boulangerie, comme Marie-Blachère ou Paul, qui se sont aussi lancées dans cette guerre des prix.

Nombre de franchisés disent déjà tirer la langue.

Bernard Boutboul Président de Gira Conseil

Or, si les géants du secteur peuvent assumer cette baisse de la marge, la situation est vite devenue compliquée pour leurs franchisés. Ainsi que pour les réseaux plus petits de restauration rapide, avec moins de surfaces de vente, forcés d’aligner les prix sur ceux de leurs grands rivaux.

« Nombre de franchisés disent déjà tirer la langue car les immenses volumes attendus ne sont pas au rendez-vous », rapporte Bernard Boutboul, déplorant une « grosse erreur stratégique ». Selon ce spécialiste, ces « menus à 5 euros » ne rencontrent pas leur public car les ménages les moins aisés ont réduit drastiquement les sorties quand les plus riches cherchent des produits « plus sains ».

Ecart de prix incompris

Il n’empêche, ces menus à petit prix sont appelés à s’installer comme « une composante de l’offre », estime François Blouin de Food Service Vision. Leur arrivée vient de plus bouleverser la hiérarchie des gammes. Comment justifier d’un côté un menu à 5 euros comprenant 5 éléments, et de l’autre une offre à 14 euros avec seulement un burger, une frite et une boisson ?

« Quand vous faites un tel grand écart, les clients sont perdus car ils ne comprennent pas votre positionnement », constate Bernard Boutboul. A la charge des enseignes de redonner du sens à leurs gammes les plus premiums, leur menu signature. Au risque sinon de voir les consommateurs se focaliser sur les menus offrant la moindre marge.

Les géants de la restauration rapide ont déjà eu recours par le passé aux offres à petit prix. C’était le cas notamment au moment de la crise des « subprimes » en 2008, ou encore en 2013 lorsque le secteur affrontait déjà une baisse de la fréquentation.

A l’époque, le prix n’était toutefois pas aussi bas proportionnellement au contenu de l’offre. Et l’écart avec les gammes premiums n’était pas non plus aussi grand.

Contrairement aux Etats-Unis, où les clients veulent en avoir pour leur argent en termes de quantité, les Français continuent de chercher la qualité même dans leurs fast-foods. Or dans l’esprit des clients, prix bas et gastronomie font rarement bon ménage.

Par Enrique Moreira – A retrouver en cliquant sur Source

Source : https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/mcdo-burger-king-kfc-quand-les-fast-foods-senlisent-dans-la-guerre-des-prix-2137086