Le « hedge fund » Third Point a investi 3,5 milliards de dollars dans le capital du géant mondial. Il réclame la vente de la participation du groupe suisse dans L’Oréal.

Rien ne semble devoir arrêter les activistes américains dans leurs offensives contre l’industrie agroalimentaire. Pas même la puissance de Nestlé, numéro un mondial du secteur, à qui Daniel Loeb, le directeur du fonds américain Third Point, n’a pas hésité à demander de changer de stratégie afin de mieux rémunérer les actionnaires.

Nestlé est la plus grosse cible à laquelle l’activiste s’est à ce jour attaqué. Ce dernier est devenu le huitième plus gros actionnaire de Nestlé en achetant 40 millions de titres, soit 1 % du capital total, moyennant un investissement de 3,5 milliards de dollars. Fort de sa nouvelle position, Daniel Loeb a adressé un courrier au géant suisse dans lequel il réclame la cession de sa participation dans le capital de L’Oréal, leader mondial des cosmétiques.

Rachat d’actions et hausse des dividendes

Pour Third Point, cette participation historique n’est plus stratégique et « les conditions de marché offrent un moment opportun pour la revente ». Les actionnaires devraient en effet être libres de choisir s’ils veulent « investir dans Nestlé ou dans une combinaison de Nestlé et L’Oréal », argumente Daniel Loeb. Une opinion que ne partageait pas Ulf Mark Schneider, le patron de Nestlé, puisqu’il qualifiait en février la participation dans L’Oréal d’« atout stratégique », précisant que la vente n’était pas d’actualité.

La vente des actions L’Oréal serait très substantielle. Nestlé détient encore plus de 23 % du capital (109,4 milliards d’euros), après en avoir cédé 8 % à la famille Bettencourt en 2014. Ce faisant, estime Daniel Loeb, le groupe agroalimentaire pourrait lancer un programme de rachat de ses propres actions et augmenter les dividendes. La Bourse a fortement réagi, si bien que de nombreuses entreprises agroalimentaires cotées ont vu la valeur de leurs titres monter. L’action Nestlé a clôturé en hausse de 4,32 %, celle de L’Oréal de 3,85 %, en tête du CAC 40.

L’activiste reproche au groupe de Vevey une croissance et des marges insuffisantes, voire, selon lui, inférieures au reste de l’industrie de l’alimentation. En 2016, Nestlé a enregistré son plus faible taux de croissance en dix ans. En revanche, la marge opérationnelle courante était au même niveau que celle de l’anglo-néerlandais Unilever et de l’américain Mondelez. Danone, lui, a dégagé une marge opérationnelle de 13,6 %. En revanche, celle de Kraft est ressortie à 20 %, ce qui devrait être l’objectif de Nestlé, selon Daniel Loeb. Celui-ci regrette également l’absence de croissance du bénéfice par action sur cinq ans.

« Très grandes ambitions »

L’activiste demande au groupe suisse de prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. Il suggère notamment à Nestlé de passer en revue un portefeuille de produits qui compte plus de 2.000 références pour privilégier les marques les plus rentables. Le groupe suisse a rétorqué qu’il était « toujours ouvert au dialogue avec ses actionnaires et que son objectif demeurait de créer de la valeur à long terme ».

Pour certains analystes, comme James Santo, de la Northern Trust, l’offensive de Third Point n’est pas surprenante : « Nestlé a tardé à répondre aux signaux du marché. » Pour d’autres, comme Jean-Philippe Bertschy, de la banque Vontobel, « Ulf Mark Schneider a de très grandes ambitions pour Nestlé, y compris des intentions qui correspondent aux demandes de Dan Loeb. » Il est vrai que le groupe vient d’annoncer la mise en vente de sa division confiserie aux Etats-Unis. « La démarche de Third Point peut être perçue comme hostile alors qu’elle pourrait finalement lui servir à mettre en oeuvre son plan stratégique », juge l’analyste.

De son côté, UBS considère que Daniel Loeb va « obliger Nestlé à prendre des mesures qui permettent au groupe de dégager plus de valeur ». Augmentant un peu plus la pression sur Ulf Mark Schneider, arrivé aux manettes en janvier.