Poulet frais, épices secrètes… Comment le fast-food Popeyes veut conquérir la France
Un an après son retour dans l’Hexagone, l’enseigne américaine peaufine sa stratégie et vise les 300 restaurants d’ici à dix ans. Sa première tentative d’implantation, en 2018, s’était pourtant soldée par un échec.
Des centaines de personnes qui attendent sur le trottoir et un vigile qui filtre les entrées. Début février 2023, le parvis de la gare du Nord à Paris a été le théâtre d’un étrange ballet, non pas devant une boîte de nuit mais… un nouveau fast-food de poulet frit. La chaîne Popeyes – ultra-populaire aux États-Unis et qui compte 4100 restaurants dans le monde – venait d’ouvrir le 1er février son premier restaurant en France, après une première tentative d’implantation ratée en 2018. Un an après, la file d’attente a disparu. Passé l’engouement des débuts, est-ce que ça marche ?
«C’est un beau succès qui ne se dément pas», assure Olivier Rego, le PDG de l’enseigne en France, qui prépare l’ouverture de son 13e restaurant à Carcassonne, en mars. La chaîne américaine, portée dans l’Hexagone par le groupe Napaqaro (Buffalo Grill), s’est déjà déployée en centre-ville, en centre commercial, avec des drives en périphérie et des dark kitchen en ville pour la livraison à domicile. «On a voulu essayer tous les types de formats et emplacements, pour tester la robustesse de notre business model et parfaire notre logistique», explique le patron.
Savoir-faire
Après un an d’exploitation, Popeyes vise toujours 250 à 300 ouvertures d’ici à dix ans. Une quinzaine est prévue en 2024, avant une montée en puissance. Tous les restaurants ouverts sont, pour le moment, des succursales. «Le temps de maîtriser le savoir-faire, caler le modèle économique et formaliser nos procédures en cuisine», précise Olivier Rego, qui voulait opérer en propre pendant au moins deux ans avant de se lancer dans la franchise. Les premiers restaurants franchisés ouvriront en 2025.
Un «savoir-faire» dans une chaîne de fast-food ? C’est que chez Popeyes, on ne décongèle pas des produits tout prêts qu’il n’y a plus qu’à faire cuire et assembler. Le poulet est frais et la panure est réalisée en restaurant, au fur et à mesure du service. Le mélange d’épices Cajun qui a fait le succès de l’enseigne venue de Nouvelle Orléans est un secret jalousement gardé : «Même nous, on ne le connaît pas ! sourit Olivier Rego. Il nous est livré par le siège aux États-Unis.» Elles sont mélangées à du lait ribot pour faire un «batter», dans lequel le poulet est trempé puis roulé dans la farine avant d’être frit. Filets, ailes, cuisses… Chaque morceau a sa farine spécifique et un coup de main à maîtriser.
Le produit le plus vendu, le Chicken Sandwich, est un burger simple, avec seulement quatre ingrédients : pain, mayonnaise, cornichon et poulet frit. Chaque restaurant en vend plus de 300 par jour. Il côtoie des produits «francisés», avec du cantal AOP par exemple, appliquant la recette qui a fait de McDonald’s le roi du secteur en France. À l’inverse, l’enseigne travaille également à intégrer progressivement à sa carte des produits américains qui font son succès dans le monde, à l’instar du coleslaw proposé en alternative aux frites. L’essentiel, souligne le patron, c’est de garder une carte courte «pour garantir la qualité des produits».
Poulet français
L’approvisionnement reste un défi : «Le marché de la volaille est déjà tendu, pointe Olivier Rego. Alors un nouvel acteur qui va consommer beaucoup de poulet et dit qu’il va ouvrir 300 restaurants en dix ans, ce n’est pas simple.» En pleine crise des agriculteurs, Popeyes assure vouloir proposer du poulet 100% français. Il a signé la charte ECC (European Chicken Commitment) pour le bien-être animal, «ce qui va peut-être nous obliger à avoir temporairement du poulet pas uniquement français, le temps que la filière ait la capacité de répondre à la demande, jusqu’en 2027 au plus tard», justifie Olivier Rego.
Popeyes doit aussi veiller à garder des prix accessibles, une demande de la maison mère. Le menu avec Chicken Sandwich, frites et boisson est vendu à 8,99 euros. «Ce n’est pas facile car on est arrivé au pic de l’inflation», rappelle Olivier Rego. C’était l’une des erreurs de positionnement lors de la première tentative d’implantation en France en 2018, par un autre investisseur : «Le menu était à plus de 13 euros, les consommateurs n’ont pas compris», analyse le patron. Cette fois, le développement est plus cadré par la nouvelle maison mère RBI, qui possède aussi Tim Hortons et Burger King – exploité en France par un concurrent de Napaqaro, le groupe Bertrand.
Concurrence féroce
Dans un marché du fast-food à l’offre déjà bien fournie, y a-t-il encore de la place pour un nouveau venu ? Les concurrents sont solidement implantés : 1500 restaurants pour McDonald’s, 500 pour Buger King, plus de 300 pour KFC… «Il y a de la place, car le segment du poulet a la cote en France et il est sous-exploité», assure Bernard Boutboul, président de Gira, un cabinet de conseil auprès du monde de la restauration. «L’arrivée de KFC dans les années 1990 n’a pas freiné le développement de McDonald’s.» La restauration rapide, rappelle le spécialiste, prend surtout des parts de marché à la restauration traditionnelle.
Popeyes assure qu’il peut coexister avec les autres enseignes. «Quand on s’installe, on voit qu’on ne cannibalise pas le chiffre d’affaires de nos concurrents et qu’on apporte de la valeur à la zone, se réjouit Olivier Rego. Prenez à Lyon dans le centre commercial Part-Dieu : nous avons rapidement atteint le chiffre d’affaires de notre concurrent d’à côté sans attaquer le sien.» Le deuxième restaurant parisien, place de la République, coincé dans un alignement de Burger King, McDonald’s et KFC, se porte tout aussi bien et n’a pas fait plier les voisins. Un emplacement symbolique pour Popeyes, qui montre ainsi qu’il entend jouer dans la cour des grands.
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