En mal de clients, le monde des magasins bio se concentre 

Les petites chaînes de spécialistes périclitent sous la pression de la baisse du marché. Les leaders retrouvent de la croissance sans pour autant reprendre une expansion massive.

Carrefour a racheté Bio c'Bon.
Carrefour a racheté Bio c’Bon. (Allili Mourad/SIPA)

Coup sur coup, les deux premiers spécialistes du marché ont perdu leur patron cet été. Sylvain Ferry, le directeur général de Biocoop, a rejoint Système U. Son homologue chez Naturalia, le centralien Allon Zeitoun, est parti et sans indiquer sa destination. Certains y voient la conséquence de la poursuite de la crise du bio en France. Une récession qui n’épargne pas les grandes surfaces alimentaires généralistes dont les ventes sur ce créneau sont repassées sous la barre des 4 %.

« Une ineptie », a répondu sur LinkedIn le président de Biocoop Pierrick De Ronne au sujet du départ de son dirigeant. Naturalia évoque, de son côté, un passage de témoin avec le directeur du réseau Richard Jolivet, après un mandat de presque dix ans. Personne ne commente la situation de Casino , le groupe sous le régime de la conciliation auquel appartient Monoprix, la maison mère de l’enseigne.

Rationalisation des réseaux

Dans le bio, la récession s’installe. Les ventes ont plongé de 12 % en 2022 chez les spécialistes et de 7 % dans les rayons des hypermarchés. Le marché est toujours dans le dur. L’institut Circana annonce une baisse des volumes de 13 % de janvier à juillet dans les supers et hypermarchés qui représentent 55 % du marché.

Dans un monde de l’alimentation qui connaît, au global, une inflation de plus de 20 % sur deux ans, les produits bio qui sont en moyenne 50 % plus chers que la production conventionnelle sont victimes des arbitrages des consommateurs. Tous les magasins souffrent. Cependant, comme souvent, les petits trinquent et les gros résistent, voire se renforcent.

« Nos deux enseignes progressent », assure Benoît Soury, directeur du bio chez Carrefour, numéro un du marché avec ses supers et hypermarchés et aussi les chaînes So. bio et Bio c’Bon. Cet ancien de la Vie Claire rappelle que les 36 naturéO ont été placés sous procédure de sauvegarde en mai et que la vingtaine de magasins « L’Eau Vive » ont fait de même en juin. En région parisienne, Les Nouveaux Robinsons ont été liquidés fin 2022.

Les leaders ont arrêté leurs programmes d’expansion au profit d’une rationalisation de leur réseau. Naturalia est passé de 250 à 230 magasins. Biocoop (plus de 700 unités) a connu autant de créations que de fermetures en 2022 et a poursuivi le réajustement de son parc en 2023. So. bio et Bio c’Bon ont stabilisé leurs effectifs à respectivement 75 et 85 unités. Pour eux, le développement se limite pour l’heure au rachat de concurrents en déshérence.

Logique du « bio + »

La concentration paie. Les militants de « la bio » n’ont pas fui. Une inflation 20 % moins élevée que celle du conventionnel et une politique de prix bas, notamment sur les fruits et légumes, séduit les sympathisants. Jusqu’en juin, avant un tassement en juillet et août, les ventes de Naturalia progressaient de 5 % par mois. Le nouveau concept « La ferme » affiche des hausses de 10 % par rapport à un magasin ancienne version grâce à un merchandising qui met en avant les petits tarifs. « Nous offrons 150 prix bas et 700 références en promotion », indique un porte-parole qui poursuit : « Notre beurre à moins de trois euros les 250 grammes a progressé de 120 %. »

Dans ses supers et hypers, malgré une offre qui a été réduite de 10 %, Carrefour annonce 5,5 % de progression avec 5 millions de membres de la carte de fidélité bio. So. bio surperforme et tire profit, lui aussi, d’un vrai savoir-faire en matière de visibilité des meilleurs prix. « C’est une crise de la demande », analyse Benoît Soury pour dédouaner ceux qui constituent l’offre. Le « Monsieur bio » de Carrefour n’en déplore pas moins la logique du « bio + » de certains spécialistes comme Biocoop, cette volonté de se démarquer des supermarchés avec une surenchère sur les cahiers des charges.

Pour lui, cette politique augmente le trouble des consommateurs qui perdent leur chemin entre les labels AB, Haute Qualité Environnementale et autres sans pesticides. De fait, de l’avis de nombreux professionnels, la crise du bio ne se limite pas à une crise du prix. C’est aussi une crise de confiance dans la valeur ajoutée du secteur.

Par Philippe Bertrand – A retrouver en cliquant sur Source

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